Mobilité et circulation dans les villes d’Afrique Centrale (Kinshasa, Douala, Brazzaville)
Abstract
Confrontées à une urbanisation rapide et souvent incontrôlée, les villes d'Afrique centrale connaissent de profonds changements dans leurs systèmes de mobilité. Cet article analyse la dynamique du trafic et des déplacements dans trois villes de la sous-région : Kinshasa (République démocratique du Congo), Douala (Cameroun) et Brazzaville (République du Congo). Cette étude montre comment l'urbanisme, les pratiques informelles et les politiques publiques influencent les habitudes de mobilité quotidiennes et les conditions de circulation. Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé une approche comparative et une méthodologie mixte avec des enquêtes de terrain menées par trois enquêteurs sous notre supervision dans les trois grandes villes (n = 750 utilisateurs interrogés : 300, 250, 200). Nous avons également mené des entretiens semi-structurés avec les acteurs du transport (conducteurs, autorités locales, syndicats) et avons observé directement les pratiques de déplacement (itinéraires, horaires, modes de transport utilisés) dans les villes étudiées. Nous avons réalisé des analyses spatiales à partir de cartes des flux et des infrastructures. Les données collectées ont été traitées à la fois quantitativement (statistiques descriptives, recoupements sociodémographiques) et qualitativement (analyse thématique des discours et des rapports). Les résultats mettent en évidence des caractéristiques communes, mais aussi des spécificités locales telles que la prédominance des transports informels dans la ville de Kinshasa (70 % des trajets), dans la ville de Douala (65 %) et dans la ville de Brazzaville (60 %). Ces modes de transport comprennent les taxis collectifs, les motos-taxis et les minibus. Il ressort que que le temps moyen de trajet soit de 1 heure et 45 minutes à Kinshasa, 1 heure et 15 minutes à Douala et 1 heure à Brazzaville. À Kinshasa, la répartition modale est de 40 % pour la marche, 50 % pour les transports informels et 10 % pour les véhicules privés. L'accès limité aux transports formels dans les quartiers périphériques signifie que 75 % des habitants dépendent exclusivement de la marche ou des motos-taxis. Les inégalités en matière d'accès à la mobilité font que 60 % des femmes déclarent se sentir en insécurité lorsqu'elles utilisent les transports. Les personnes âgées et les personnes handicapées sont largement exclues des systèmes de transport. L'état des infrastructures routières à Kinshasa est de 25 % de routes pavées, dans la ville de Douala, il est de 35 %, et à Brazzaville, il est de 28 %. En termes de congestion urbaine, Kinshasa perd environ 150 millions de dollars par an en productivité en raison des embouteillages (Banque mondiale, 2023).
Des politiques publiques insuffisantes, avec moins de 1,5 % des budgets municipaux consacrés à la mobilité, et un manque de coordination entre les parties prenantes (jusqu'à cinq institutions différentes sans synergie). Nous proposons plusieurs axes d'amélioration à court, moyen et long terme grâce à la reconnaissance et à la réglementation des transports informels avec la mise en place de systèmes d'octroi de licences, la formation des conducteurs et l'intégration progressive dans les politiques de transport urbain. Le développement d'infrastructures appropriées avec l'asphaltage et l'entretien des routes secondaires, la création de voies réservées aux transports publics (BRT, bus articulés) et d'aménagements pour les piétons et les cyclistes. La promotion d'une mobilité inclusive. La planification stratégique et la gouvernance intégrée. L'innovation numérique et la gestion intelligente des flux. Cet article a également souligné que la mobilité urbaine en Afrique centrale se trouve à un tournant : entre débrouillardise et désorganisation, mais aussi entre résilience locale et opportunités d'innovation. L'amélioration de la mobilité dans ces villes nécessite une approche intégrée, inclusive et durable, mobilisant à la fois les acteurs institutionnels, les usagers et le secteur privé.
Faced with rapid and often uncontrolled urbanization, cities in Central Africa are undergoing profound changes in their mobility systems. This article analyzes traffic and travel dynamics in three capitals in the subregion: Kinshasa (Democratic Republic of Congo), Douala (Cameroon), and Brazzaville (Republic of Congo). This document shows how urban organization, forms of informality, and public policies influence daily mobility practices and traffic conditions. In this research, we used a comparative approach and a mixed methodology with field surveys conducted by three investigators under our supervision in three major cities (n = 750 users surveyed, 300, 250, 200). We conducted semi-structured interviews with transport stakeholders (drivers, local authorities, unions) and made direct observations of travel practices (routes, schedules, modes used) in the cities studied. This document shows how urban organization, forms of informality, and public policies influence daily mobility practices and traffic conditions. In this research, we used a comparative approach and a mixed methodology with field surveys conducted by three investigators under our supervision in three major cities (n = 750 users surveyed, 300, 250, 200). We conducted semi-structured interviews with transport stakeholders (drivers, local authorities, unions) and made direct observations of travel practices (routes, schedules, modes used) in the cities studied. These modes include shared taxis, motorcycle taxis, and minibusses. The average commute time is 1 hour and 45 minutes in Kinshasa, 1 hour and 15 minutes in Douala, and 1 hour in Brazzaville. In Kinshasa, the modal split is 40% walking, 50% informal transport, and 10% private vehicles. Limited access to formal transport in outlying neighborhoods means that 75% of residents rely exclusively on walking or motorcycle taxis. Inequalities in access to mobility: 60% of women report feeling unsafe when using transportation. The elderly and disabled are largely excluded from transportation systems. The state of road infrastructure in Kinshasa is 25% paved roads, in the city of Douala it is 35%, and in Brazzaville it is 28%. In terms of urban congestion, Kinshasa loses approximately $150 million per year in productivity due to traffic jams (World Bank, 2023). In terms of weak public policies, less than 1.5% of municipal budgets are devoted to mobility, and there is a lack of coordination between stakeholders (up to five different institutions without synergy). This article proposes several avenues for improvement in the short, medium, and long term through the recognition and regulation of informal transport with the implementation of licensing systems, driver training, and gradual integration into urban transport policies. The development of appropriate infrastructure with asphalting and maintenance of secondary roads, the creation of dedicated lanes for public transport (BRT, articulated buses), and facilities for pedestrians and cyclists. The promotion of inclusive mobility. Strategic planning and integrated governance. Digital innovation and smart flow management. This article also highlighted that urban mobility in Central Africa is at a crossroads: between resourcefulness and disorganization, but also between local resilience and opportunities for innovation. Improving mobility in these cities requires an integrated, inclusive, and sustainable approach, mobilizing institutional actors, users, and the private sector.
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