Dynamiques foncières et encastrement des marchés en Côte d’Ivoire : la fin du dogme du « Baoulé travailleur et non vendeur de terre » ?
Abstract
En Afrique, et singulièrement en Côte d’Ivoire, les peuples sont unanimes que la terre est un bien commun, sacré. Elle ne peut être cédée qu’à titre temporaire. En dépit de cette idéologie, il est apparu un marché foncier dans toutes les zones forestières et de transition. Cette étude part de l’hypothèse qu’une terre qui est favorable à une spéculation en « vogue » fait apparaître un marché foncier, qui subit les normes des autres marchés préexistants, et les normes traditionnelles de gestion foncière s’en trouvent déconstruites, dépassées. L’étude de type ethnographique a eu pour terrain empirique les villages des sous-préfectures de Kpouebo et de Kpacobo situés, respectivement dans les départements de Toumodi et Taabo (Centre-sud ivoirien), avec le village d’Adahou (dans la sous-préfecture de Kpouebo) comme cas de marché foncier. Les données ont été produites par une recherche documentaire couplée d’observations directes dans les villages desdites souspréfectures. De plus, des entretiens semi-directifs ont été faits auprès du Souspréfet de Kpouebo, du chef de village d’Adahou et sa notabilité, du président des jeunes et des membres de la mutuelle de développement d’Adahou, des chefs de ménages dudit village ayant accepté ou refusé de vendre leurs biens fonciers familiaux, enfin auprès des intermédiaires de vente de terre d’Adahou et de Kpouebo. Cette étude se fixe pour objectif d’appréhender tous les marchés fonciers comme des marchés encastrés, enchevêtrés dans des relations sociales locales et nationales. L’analyse des résultats montre que, tout comme les peuples forestiers qui n’ont pu s’abstenir de céder leurs terres, sous la ruée de migrants pour la cacaoculture ou l’urbanisation, les Baoulé du Centre-sud de la Côte d’Ivoire sont devenus « vendeurs » de terres rurales, sous la pression des élites politiques favorables à l’hévéaculture. Dès lors, l’apparition du marché foncier dans la zone d’étude doit être perçue comme les effets de l’encastrement des marchés fonciers d’autres régions forestières ivoiriennes, et non comme de la paresse caractérielle. En outre, il est à retenir que le marché foncier d’Adahou est spécifique, car la population a choisi de vendre des portions de terres familiales afin d’édifier un nouveau village et améliorer son cadre de vie. En somme, le marché foncier d’Adahou a engendré un nouveau village moderne. Cependant, ce marché n’a permis à la population de se créer des vergers d’hévéa. Il a plutôt entrainé le transfert de manteaux forestiers arables au profit des élites, rendant les propriétaires coutumiers des paysans sans terre.
In Africa and particularly in Ivory Coast, people are of the view that land is a common and sacred property. It can only be transferred temporarily. Despite this ideology, there is a land market in all the forest or transitional areas. This study starts from the hypothesis that a land which is favorable to a speculation in "vogue" gives rise to a land market, which is subject to the norms of other pre-existing markets, and the traditional norms of land management are thereby deconstructed and exceded. The ethnographic study took place in empirical land in the villages of Kpouebo and Kpacobo located respectively in the department of Toumodi and Taabo (in the middle-south of Ivory Coast) with the village of Adahou (in the sub region of Kpouebo) as an example of land market. The data was produced by a documentary research coupled with direct observations in the villages of the said sub-prefectures. Moreover, semi-structured interviews have been carried out with the sub prefect of Kpouebo, the chief of the village of Adahou and its leading members, the youth representative and the members of the association for the development of the village of Adahou, the Chief of the family of the village who have accepted or refused to sell their family lands, and finally with middlemen who use to sell Adahou and Kpouebo’s land. This paper focuses on understanding all markets land as embedded one, entangled in local and national social relationships. The analysis of the results show that like other people living in forest who could not give up their lands under the pressure of migrants for cocoa or urbanization, the Baoule people located in the middle South of Ivory Coast are becoming the “sellers” of rural lands under the pressure of political leaders in favor of rubber. The emergence of the land market in the study area should be seen as the effects of the embedding of land markets in other Ivorian forest regions, and not as laziness. In addition, it should be remembered that the Adahou land market is specific, as the population has chosen to sell portions of family land in order to build a new village and improve its living environment. In short, the Adahu land market has spawned a new modern village. However, this market did not allow the population to create orchards of rubber trees. Rather, it resulted in the transfer of arable forest coats for the benefit of the elites, making the customary owners of the landless peasants.
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